La noirceur était omniprésente. Pourtant, Azuki distinguait bien ce qui l’entourait. Elle se mit à marcher d’un rythme lent, mais régulier, les yeux rivés sur l’unique chose qu’il y avait à voir ; le furtif reflet argenté qui s’agitait a la surface de l’eau recouvrant le sol, un peu comme si une multitude de serpents grouillaient en contrebas. Elle ne reconnaissait rien de cet endroit & se demandait réellement s’il y avait une fin quelque part, ou même si c’était la mort… Était-elle morte ?
Au bout d’un moment, elle aperçut une petite forme au loin. Plus elle s’en approchait, plus cela devenait clair ; il s’agissait d’une fontaine. Une fontaine sculptée en relief, faite entièrement de cristal. Mais ce qui attira immédiatement l’attention d’Azuki était la magnifique femme qui était assise sur le rebord. Elle avait la peau mate, de longs cheveux d’encre bouclés (qui devaient facilement atteindre ses genoux lorsqu’elle se levait), de grands yeux charbonneux et une somptueuse tunique multicolores, ornée de pierres précieuses brillantes, comparables à tous les merveilleux bijoux qu’elle portait au cou & aux poignets. La Kaminari demeura sans voix devant tant de prestance et de beauté.
- N’aie pas peur, Azuki. Lui souffla la dame avec bienveillance. Je t’attendais, approche.
La jeune fille ne put qu’obéir. Elle avança silencieusement jusqu’à la fontaine et s’installa sur le rebord près de l’inconnue. Pourquoi avait-elle l’étrange impression de connaître cette femme depuis toujours ?
- Sais-tu qui je suis ? Demanda-t-elle, toujours d’une voix douce.
Azuki allait dire quelque chose, mais se résigna, secouant la tête en signe de négation.
- Je suis la déesse Kâli. Mère de la force & de la destruction.
Elle tendit la main & caressa doucement la joue de la brunette, avec une tendresse digne d’une mère.
- Tu sais, cette force que tu ne contrôles pas… Ce pouvoir qui te surpasse… c’est moi tout ça. Ce pouvoir que tu possèdes sur la foudre fait en sorte de te maintenir en vie face à mes assauts.
La jeune fille écarquilla les yeux, presque choquée alors que la déesse l’attirait contre elle pour la serrer contre son cœur. C’est à ce moment qu’elle remarqua le collier constitué de plusieurs dizaines de minuscules crânes qu’elle portait autour du cou.
- La destruction est quelque chose de si merveilleux. L’extase de pouvoir tout réduire en poussière, laissant carte blanche à ceux qui s’obstinent à tout reconstruire… Pour ensuite venir détruire à nouveau, changeant le monde en ruines fumantes dans l’espoir de voir naître quelque chose de nouveau, de meilleur… C’est là le doux cycle qui me fait vivre.
- Q-Quoi ?! Alors, tous ces gens que j’ai blessés, toutes ces gaffes, ces choses que j’ai détruite sans le vouloir, c’était de votre faute ?!
- C’était mon œuvre, en effet. Enfin, notre œuvre. Ensemble, Azuki, nous anéantirons tous les démons, jusqu’à obtenir un monde ou tout scintille.
La Kaminari se dégagea brutalement de l’emprise de Kâli & la fusilla du regard.
- Hors de question ! T-Trouvez-vous quelqu’un d’autre ! Je ne vous laisserai jamais me prendre tout ce que j’ai !
Tout ce que la jeune fille aperçut ensuite fut le léger froncement de sourcils sévère de la femme avant d’être brusquement aspirée dans l’obscurité la plus totale.
***
Azuki se réveilla en sursaut, étouffant un cri d’effroi. Elle serra inconsciemment le tissu de la couverture qui la recouvrait, tremblant légèrement. Qu’est-ce que c’était que ça ? Un rêve ? Une petite minute… Comment cette couverture était-elle arrivée là ? Elle était toujours au sol après tout, non ? Elle jeta un regard près d’elle et remarqua la présence de Kain à ses côtés, dormant à même le plancher. Alors, c’était lui le responsable de tout ça ? Et il s’était couché au sol également ? La jeune fille sourit, trouvant cette attention des plus adorables. Elle demeura quelques instants près de lui à le regarder dormir… Il semblait avoir reprit des couleurs, bien que sa blessure doive encore le faire souffrir…
Azuki se leva donc, encore un peu étourdie & remarqua que les deux enfants étaient encore couchés dans le lit de Raphael. Elle tâcha de passer devant eux sans les réveiller, mais l’un d’eux s’agita &la fit se retourner. Il s’agissait du petit garçon… hmm Jake, si sa mémoire était bonne.
- Q-Qui êtes-vous ? Demanda-t-il d’une voix endormie en se frottant les yeux.
- Je m’appelle Azuki. Toi, c’est Jake, n’est-ce pas ?
L’enfant hocha la tête.
- Ne t’en fais pas. Ta sœur & toi êtes en sécurité maintenant. Lorsque vous serez en forme, j’irai vous reconduire chez votre père.
Le jeune garçon parut un peu méfiant sur le coup, mais Azuki savait qu’il ne tarderait pas à comprendre qu’il était réellement tiré d’affaires et finirait par être soulagé. La Kaminari alla lui chercher un bol de la soupe qu’elle avait préparé la nuit dernière, et il en prit quelques bouchées, avant de l’engloutir rapidement, sous le léger rire de la brunette, qui tentait de rester discrète, ne voulant pas réveiller Kain.
Un peu plus tard, lorsque les deux enfants eurent mangé & furent en mesure de rentrer chez eux, Azuki laissa une note à son chef & sortit seule avec eux, ne voyant pas l’intérêt d’attendre que le blond se réveille pour régler cette affaire.
Elle arriva quelques minutes plus tard devant la maison de Sébastien. Léa & Jake, les jeunes enfants, étaient impatients et se mirent à courir vers la porte & de tambouriner dessus. Cela ne prit que quelques secondes avant que leur père vienne leur ouvrir & les serre dans ses bras, fou de joie. Ne voulant pas gêner cette émouvante scène familiale, la Kaminari demeura en retrait, & sourit lorsque le regard de Sébastien croisa le sien. L’homme relâcha ses enfants et s’approcha d’elle, des larmes de joie perlant au coin de ses yeux.
- Je ne pourrai jamais suffisamment vous remercier. Lui dit-il, la faisant sourire de plus belle.
- C’est tout naturel, voyons… Vous avez une si jolie famille.
L’homme serra doucement la main d’Azuki dans la sienne et, lorsque la jeune fille voulu tourner les talons pour rentrer s’occuper de son chef, il la retint un moment, demandant à voix basse ;
- Pourrais-je… Pourrais-je savoir qui est le salaud qui…
- Chut. Le coupa la brunette. Il y a certaines questions qu’il vaut mieux ne pas poser.
Sur ce, elle lui sourit a nouveau, salua les enfants de la main & rentra chez Raphael d’une démarche légère & aérienne, ayant presque oublié son étrange rêve, trop heureuse d’avoir pu ainsi aider une famille.